Braine-l’Alleud sur la voie de la transition écologique alimentaire ?

Le 7 octobre, nous avons participé aux Délices du Jard’Hain, un débat public avec des producteurs locaux sur « la transition écologique alimentaire », organisé par Ecolo Braine-l’Alleud.
Nous avions envie de vous en parler car nous avons appris beaucoup de choses sur les  initiatives créées dans la région et leurs défis : les contraintes des agriculteurs, les travers du label bio… Un débat réaliste mais porteur d’espoir !

La transition écologique alimentaire, c’est quoi ?  C’est changer notre façon de produire et de consommer, afin de se nourrir sans détruire les ressources de la planète. Voilà un thème qui nous a tout de suite intéressés car nous sommes justement en pleine transition dans notre manière de manger au quotidien. Tous deux auparavant amateurs de viande, nous avons fait le choix de devenir végétarien il y a un an et nous sommes à la recherche d’une nourriture plus respectueuse des animaux et de la nature. Habitués aux supermarchés low cost tels qu’Aldi ou Lidl, notre priorité à l’époque était d’acheter tout au même endroit, au plus vite et au moins cher. A présent nous accordons plus d’importance aux aliments que nous achetons : plus bios, locaux, moins transformés et aussi avec moins d’emballages. Une démarche qui demande de bousculer ses habitudes mais qui ne se révèle en fait pas si compliquée que cela ! La bonne nouvelle, c’est que cela nous pousse naturellement à tester de nouveaux aliments et de nouvelles recettes… Alors que nous n’étions pas du tout aventureux en cuisine. En outre, nous avons la chance de vivre dans une commune telle que Braine-l’Alleud où nous disposons de plusieurs magasins bio en vrac, comme le marché Saint Jean et le Relais Bio.

Des pionniers à Braine-l’Alleud

Pour cette 7e édition de ce rendez-vous d’automne centré sur les produits locaux, la locale Ecolo avait convié à un débat public 6 acteurs de changement dans la région :

1.maraicherb
Renaud, maraicher à Bois-Seigneur-Isaac qui fait de la vente directe et des paniers bios

 

 

2.laitierb
Eddy Pussemier, agriculteur qui fait de la vente directe pour son lait et les fromages, yaourts et glaces réalisés par son épouse.
Il a aussi mis en place un distributeur de lait 24h/24
(rue du bois Planté, 1).

 

3.potironnerieb
Olivier Senterre, un informaticien qui a créé « La potironnerie» à Bois-Seigneur-Isaac et organise chaque automne la Fête du potiron. Pas de chance, nous l’avons manqué mais nous irons l’an prochain 😉

 

6.apiculteur2b
Un apiculteur de la région qui produit du miel avec des techniques plus respectueuses des abeilles, moins interventionnistes (pas d’insémination systématique des abeilles ni d’enfumage, prélèvement modéré du miel, etc.) – Miel « Les ruches d’Alexandra»

 

5.epicerie bio ittreb
Kathleen Goffart, l’une des créatrices du Bee o village, une épicerie bio à Ittre créée par un collectif de citoyens.

 

 

7.pti magab
Un responsable du P’tit maga, une épicerie sociale qui vend de la nourriture à petits prix aux personnes défavorisées

 

 

Chacun a pris la parole à son tour pour parler de ses difficultés :

  • l’accès à la terre, trop chère à l’achat et dont la location est rendue compliquée par le système du « bail à ferme ». En effet, censée protéger l’agriculteur-loueur, cette loi exige des baux de 18 ans et retire pas mal de droits au prioritaire. Résultat : elle pénalise au final les agriculteurs-loueurs car les propriétaires ne veulent plus mettre leur terre en location, de peur de perdre tout contrôle dessus.
  • la complexité de devoir faire plusieurs métiers: communication, production, gestion et vente directe aux « mangeurs » pour court-circuiter les grandes structures de distribution
  • le besoin de faire de gros investissements et la difficulté d’être rentable
Comment en est-on arrivé là ?

4.de schutterbEcolo Braine avait aussi convié au débat une pointure mondiale de l’alimentation : Olivier de Schutter. Professeur de droit à l’UCL, il a été rapporteur des Nations Unies pour le Droit à l’alimentation et est actuellement co-président du panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables (Ipes-Food). Ceux-ci fournissent des rapports réguliers aux décideurs politiques afin de les inciter à réformer les systèmes alimentaires avec une approche durable et globale, qui prend en compte les dimensions environnementales, de santé, sociales, culturelles et économiques.

Il a remis en contexte la situation compliquée dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Depuis les années 60-70, les politiques telles que la politique agricole commune (PAC) lancée en 1961 ont privilégié l’augmentation de la production,  les économies d’échelle, le développement de grandes firmes agro-alimentaires… Et on se rend compte à présent que cela a eu des effets pervers. Ce qui pousse les citoyens à prendre des initiatives pour faire changer les choses. Mais il y a beaucoup de résistance au changement :

  • Il faudrait revenir sur les choix économiques et technologiques qui ont été faits pendant des décennies. On se retrouve à présent avec de très grandes exploitations, qui ont investi dans de grosses machines agricoles, des techniques de production massives, avec moins de diversité dans les variétés végétales… pour produire toujours plus à moindres coûts. Des circuits-courts sont donc nécessaires pour contourner ces grands acteurs.
  • En parallèle, chez les « mangeurs », il y a eu des évolutions culturelles dans la manière de s’alimenter. Pressés, nous prenons moins le temps d’acheter notre nourriture avec soin, de cuisiner, de manger ensemble…  La « culture alimentaire » est en voie de disparition. A noter qu’auparavant, c’est  « la femme au foyer » qui prenait ce temps. A présent qu’hommes et femmes travaillent à plein temps et que nous avons tous de multiples activités, le temps qui reste pour ces tâches est très réduit. Il faut donc réinventer la place que nous accordons au « bien manger » dans notre planning…
  • Enfin, les grands acteurs économiques pèsent gros dans les décisions politiques : face aux difficultés, les politiques ont tendance à se tourner vers ces acteurs qui leur proposent des solutions clés en main, qui vont bien entendu dans leur sens.
Initiatives citoyennes : il faut du soutien !

Face à cette inertie, commencent à émerger des initiatives citoyennes qui veulent reprendre le destin en main, à l’instar de « Braine-l’ Alleud en transition ». « C’est essentiel car cela permet de montrer aux politiques qu’il existe d’autres options ! Mais gare aussi à l’épuisement des citoyens qui font cela bénévolement en plus de leur emploi » met en garde Olivier de Schutter. « A long terme, il faut impliquer dans ces projets deux autres acteurs : les politiques et les entrepreneurs ».

Aujourd’hui, le politique est souvent réduit à deux rôles : réglementer et encourager/décourager certains comportements via des subsides et des taxes. Olivier de Schutter en propose un troisième : un rôle d’Etat partenaire, au service des démarches citoyennes.

Pour cela, il faudrait que le politique écoute le citoyen et comprenne qu’il n’est plus d’accord de se limiter à voter, il veut aussi prendre en main son destin entre les élections. Du côté du citoyen, il ne faut pas s’enfoncer dans un rejet total de la politique malgré les déceptions actuelles. Il est impératif de dialoguer avec le politique car il n’est pas possible de s’en passer.

Pour un projet durable, il faut en outre intégrer les entrepreneurs, pour que les initiatives soient économiquement viables. Une ville partenaire peut soutenir des initiatives mais il ne faut pas qu’elles en dépendent comme « business model ».

Il cite comme exemples Gand, qui est sur une voie prometteuse de « Ville partenaire ». Ainsi que la Vallée de la Drôme, véritable pionnière de la transition écologique, où citoyens, entrepreneurs et élus locaux collaborent.

Le bio, pas la panacée

La question du label bio a été abordée par les producteurs. Outre le fait que les produits bios sont souvent très chers et donc inaccessibles aux plus démunis, le label est aussi source d’effets pervers.
Acquérir le label coûte cher. Il n’est donc souvent pas accessible pour les petits producteurs locaux. En outre, les acteurs du bio sont en train de s’industrialiser et commencent à court-circuiter les circuits courts.
« Le bio n’est pas la panacée » confirme Olivier de Schutter. Il ne garantit pas un respect de la nature.  Certains producteurs labellisés ne vont par exemple pas du tout pratiquer la rotation des cultures, qui permet de préserver les sols. Je suis plutôt partisan d’une agro-écologie »…
Agro quoi ? D’après mes recherches, ce concept assez complexe prône une série de pratiques qui exploitent les mécanismes biologiques et écologiques naturels. L’idée est non seulement de préserver l’environnement mais de rendre les sols durablement plus productifs, dans un cercle vertueux. Et ce, grâce à des pratiques telles que la rotation des cultures, la biodiversité,…
Ce nouveau système de production consiste à concilier la performance économique et la performance environnementale pour faire de l’environnement un atout de compétitivité. Une chouette vidéo sur le sujet ici!

Mais sans label, comment savoir quels produits sont sains et bons pour l’écologie ?
Tout simplement en allant à la rencontre des producteurs locaux et en s’informant sur leur manière de travailler. Par exemple, lors des journées fermes ouvertes. « Mais nos fermes sont toujours ouvertes » lance Eddy Pussemier, producteur de lait. « Il suffit de demander à visiter, il est rare qu’un fermier refuse. Essayez toujours de visiter le site de production d’un agro-industriel ! ».
Il faut au final construire une confiance entre « le mangeur » et le producteur, qui n’est possible qu’au niveau local. Voilà une bien meilleure alternative au coûteux label « bio ».

Pourquoi ne pas lancer, pour les producteurs volontaires, un contrôle de résidus de pesticides par l’AFSCA (l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire) qui leur permettrait de recevoir un « bulletin » pour que le mangeur sache facilement si on est très bon, moyen ou mauvais élève, propose Olivier Senterre, de la potironnerie. Malheureusement pour l’instant, L’AFSCA n’a pas de valeur incitative de ce type.

Faire le lien entre mangeurs et producteurs

Les épiceries bio comme le Bee o village d’Ittre ont du mal à être fournis en suffisance par les producteurs locaux : production bio pas toujours suffisante, les producteurs n’ont pas le temps ou ça leur coûte trop cher de les livrer pour des quantités aussi réduites… et difficultés aussi pour la coopérative de réguler le stock pour proposer des produits toujours frais aux clients.
Parfois aussi, producteurs et magasins coopératifs ne se connaissent tout simplement pas. Il faudrait rassembler les acteurs dans une plateforme unique.

N’oublions pas la plateforme ancestrale qui existe pour les rassembler, rappelle Olivier Senterre : les marchés hebdomadaires ! Une habitude oubliée à remettre dans notre planning ?
Autre piste que Benjamin a découvert récemment : LowCo, un projet d’appli pour smartphone qui permettra bientôt de géolocaliser toutes les entreprises éco-responsables près de chez nous : agriculteurs, artisans, commerçants…  Vous pouvez la soutenir, elle est en crowdfunding ici !

6.apiculteurcCe débat passionnant était suivi d’un apéro et d’un repas très convivial où nous avons pu discuter avec de nombreuses personnes intéressantes. Au menu : un buffet de produits locaux excellents où la part belle était faite aux produits végétariens. Tout pour nous plaire !
Cette soirée riche en intervenants nous a donné envie de vous présenter plus en détail toutes les initiatives citées. Articles à venir !

Crédits photo: Ecolos Braine-l’Alleud

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